Vision du Programme Agropoles

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« Nous avons enclenché une petite révolution dans le secteur agricole »

Adrian Ngo’o Bitomo, Coordonateur du Programme Agropoles Cameroun.

Le Programme Agropoles a été créé en août 2012 et, depuis lors, de nombreux bassins de production ont été mis en place. Au regard des résultats obtenus, pouvez-vous nous dire quelle est la mission de cet instrument de financement de l’agriculture dont vous avez la charge ?

Je vais résumer désormais les missions du Programme Agropoles (PAG) en des termes simples, sans remonter au discours du chef de l’Etat lors du Comice Agropastoral d’Ebolowa pour dire que sa mission c’est de produire davantage ce que nous consommons pour couper l’hémorragie des devises. Le riz, le maïs, le manioc nous pouvons les produire ; nous avons de l’espace. Le poisson, le poulet, l’embouche bovine, nous pouvons les faire. Alors, pourquoi importer le poulet congelé, le tourteau de soja et autres ?

La création des agropoles permet ainsi d’introduire bien évidemment les nouveaux paradigmes de la mécanisation, de l’irrigation, de la première et la deuxième transformation avec à l’horizon de garantir un approvisionnement permanent des marchés en produits finis et semi-finis prêts pour la ménagère. Il s’agit d’accompagner les départements ministériels que sont : l’Agriculture, pour les productions végétales ; l’Elevage, pour les productions animales et halieutiques; mais également l’Industrie et la petite et moyenne entreprise ; le Ministère du Commerce évidemment parce qu’il s’agit désormais d’une agriculture de marché. Nous n’avons pas d’appréhension sur les autres projets et programmes existants.

En guise d’illustration, ACEFA capacite les entrepreneurs agricoles jusqu’à un certain niveau, Agropole ne nie pas que vous avez déjà reçu un financement public. Non. Nous disons qu’ACEFA vous a amené à avoir 2, 3 bâtiments d’élevage. Vous avez envie de progresser. On vous prend sur les 3 bâtiments, on vous accompagne dans l’atteinte de votre objectif de 10 bâtiments, soit 7 bâtiments supplémentaires. C’est ce que le programme fait.

De votre arrivée à la tête de cette institution à aujourd’hui, du chemin parcouru. Quel bilan tirez-vous jusqu’ici ?

En termes de bilan les indicateurs de résultats sont satisfaisants. Tenez par exemple. A la gare marchandises, où il m’arrivait d’acheter le Kilogramme de maïs à 220 FCFA, il n’est pas allé au-delà de 170FCFA depuis 2018 ; le prix du poulet sur pied de 1.8 à 2 kg n’évolue pas, il oscille entre 2 500 et 3 000FCFA. C’est le prix qu’on avait légalement fixé, il y a une dizaine d’années; on arrive à le stabiliser. Du côté du soja, nous avons pu casser l’oligopole ou le monopole qu’il y’avait dans ce secteur. Il y a dix ans de cela, le sac de 50kg de tourteaux de soja, qui entre à 30-35% dans l’alimentation animale, était vendu à 24 000FCFA. Aujourd’hui, nous accompagnons un camerounais qui a cru au PAG.

Il s’est investi, et une capacité annuelle de production évaluée à 40 mille tonnes de soja. Grâce à cette production, le sac du tourteau de soja de 50 kg oscille entre 16 000 et 18 000FCFA. Ceci contribue à atténuer les élans d’inflation du prix du poulet. Voilà les deux exemples sur lesquels nous pouvons tabler. Au-delà de cela, nous avons les oeufs de tables qui sont disponibles. Il y’a eu l’épizootie de la grippe aviaire en 2016. Elle est partie. Il n’y a jamais eu de subvention de l’Etat telle qu’on avait fait en 2006, lors de la première épizootie ; les éleveurs ont pu renouer avec la production.

Lorsque vous êtes à l’Ouest ; de Bafoussam à Baleng, traversez de l’autre côté de la rive gauche du Noun, allez dans les Bamboutos et à Nkong-Ni, revenez même vers les Hauts Plateaux ; vous allez voir que les bâtiments d’élevage construits dans cette région ont presque le même âge. Ce sont des bâtiments d’élevage que le Programme a eu à mettre en place. Quand le prix baisse, pendant que la demande s’accroît, nous nous disons que quelque part, il y a des gens qui travaillent. Nous ne sommes pas les seuls, mais nous disons que le PAG fait partie de ceux-là qui amènent les prix soit à baisser, soit à se stabiliser.

Qu’est-ce qui fait la force du financement du PAG par rapport aux autres projets de financement de l’agriculture ?

Nous ne sommes pas les seuls dans le financement de l’agriculture. Il y a d’abord les départements ministériels. La spécificité du PAG c’est quoi ? C’est que nous ne nous occupons pas des petits planteurs, encore moins des startups. Nous travaillons avec ceux-là qui croient qu’ils peuvent faire de l’agriculture un mode de vie, ceux-là qui ont un peu d’argent. Nous nous rassurons que vous avez déjà dégagé votre quotte part, qui oscille entre 60 à 65% du coût total du projet.

A ce moment-là, le PAG réceptionne et apporte ses 30 à 35% de la contrepartie de l’Etat au prestataire qui aura réalisé l’activité. Vous travaillez, nous venons vérifier l’effectivité du travail, la mise en pratique des conseils techniques. Nous ne donnons pas de chèque. Nous ne faisons pas dans l’agriculture familiale de subsistance, nous sommes là pour une agriculture de marché, une agriculture intensive. Les 1 000 tracteurs qui étaient à Ebolowa, le PAG a permis qu’on les utilise de manière efficiente. Lorsqu’on vous donne un tracteur, on s’assure que vous avez un tractoriste et, s’il n’est pas formé, nous le formons, soit avec le CENEEMA, soit avec l’EPAB de BINGUELA qui est une structure de la Chambre d’agriculture. Ce sont nos partenaires au plan de la formation.

La pérennisation du financement, comment entendez-vous la garantir pour mener à bien vos activités ?

Lorsque vous lisez le manuel de procédures, vous n’y trouverez pas un montant où au bout de 5 ou 8 ans, on doit dégager un tel objectif de financement. La preuve c’est que jusqu’à un certain moment, le PAG dépendait du chapitre 94 au niveau du MINEPAT réservé aux interventions d’urgence. Il s’agit là de quelques exemples d’interventions spéciales de l’Etat relevant de ce chapitre. Depuis un certain temps, un autre chapitre a commencé à apporter le financement au Programme. Pour plus d’efficacité, nous souhaitons avoir une ligne de crédit plus stable, à défaut d’avoir des financements extérieurs comme pour les autres projets qui ont 50 milliards en 5 ans.

En 2019, nous avons contractualisé un cabinet d’études ; il est chargé d’évaluer, et de faire des propositions qui seront soumises à l’appréciation de la hiérarchie; propositions qui seront orientées dans le sens du choix de potentielles sources de financement. A propos de partenariat avec d’autres organismes, nous avons des institutions qui se sont approchées de nous pour des collaborations de type financière et technique.

 

Alors, entre réalité sur le terrain, et difficultés financières, quels sont les défis du Programme Agropoles ?

Je crois que le défi reste dans les résultats que nous pouvons montrer. J’allais faire un crime de l’aise majesté si je ne relève pas qu’au sujet du financement, l’actuelle Administration du MINEPAT m’avait dit: « J’ai compris vos problèmes, j’ai compris le fonctionnement du PAG et je vais vous trouver de l’argent ». Dans ce cadre, j’ai reçu un appui ponctuel qui ne ressort pas du budget du Programme de cette année (2019). Je n’avais plus eu ce montant depuis près de 3 ans. Nous avons enclenché une petite révolution dans le secteur agricole. Les filières concernées sont, le poulet, le poisson, le soja et autres.

Concernant le poisson, à ce jour, on peut retrouver le poisson d’eau douce dans la zone forestière à tout moment. Nous produisons déjà l’aliment local du poisson grâce à des petites machines à l’exemple des extrudeuses. À travers cette activité, nous essayons de résoudre les deux goulots d’étranglement dans le secteur de l’élevage du poisson. Il y’a deux ans, on comptait 2 ou 3 extrudeuses dans le pays, mais aujourd’hui, il existe une dizaine. Et, si le PAG arrive à faire du poisson, ce que hier les autres ont fait du poulet, je crois que nous n’aurons pas existé inutilement.

Nous avons aussi un site internet à travers lequel les Camerounais de la Diaspora ont vu ce que nous faisons, ils se sont intéressés et ont sollicité travailler avec nous. Aujourd’hui, ils sont membres des agropoles. On ne s’est même jamais vu, les moyens de communication utilisés sont les TIC comme on les appelle communément.

Ils font dans le poulet, la pomme de terre et le poisson. Ils nous encouragent et nous disent même quelques fois qu’ils ne pouvaient pas s’imaginer qu’au Cameroun, il y’ait également des projets ou on peut trouver que le financement apporté par l’Etat est arrivé jusqu’au bénéficiaire final.  Il y a même un qui est en train d’envoyer un véhicule frigorifique parce qu’il dit ne pas vouloir s’arrêter à la production seulement de la viande de poulet et il va faire dans la découpe.

Que pouvez-vous dire au sujet de l’impact des crises dans les trois régions sur les activités des agropoles ?

Ces crises, même si on ne les mentionne pas, elles ont hypothéqué l’évolution des investissements du PAG dans les régions avancées. À Bamenda, juste quelques temps avant le début de la crise, on a créé un agropole café. On a pu réunir plus d’un millier de personne pendant que la Haute hiérarchie de la région était en pourparlers à Up Station à l’époque. Nous avons également lancé un agropole de la culture d’ananas dans la Mémé, à Kumba. Nous nous disons, dès qu’il aura accalmie, nous allons rapidement repartir dans ces régions.

Nous espérons faire partir de ceux-là qui vont bénéficier des financements pour accompagner la reconstruction de ces trois régions qui ont aujourd’hui le statut de « région économiquement sinistrée ». Le PAG est là, il est prêt, puisqu’il y’a des initiatives qui sont venues de ces régions. Pour récupérer le terrain que Boko Haram a occupé à l’Extrême-nord, la Hiérarchie a bien voulu autoriser la création des unités régionales, notamment celle du grand Nord ; ceci dans le souci de se rapprocher davantage de ces populations pour qu’elles ne se sentent pas lésées dans les appuis de l’Etat à travers le PAG.

Propos recueillis par
Victorine SOB PETEPANG

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